VOIR L'ANTIQUE : PEINDRE LES RUINES BAMBOCCIANTI À HUBERT ROBERT
Depuis les premières fouilles à Herculanum et Pompéi, respectivement à partir de 1738 et 1748, l'attrait pour l'antique gagne les collectionneurs et marchands autant que les peintres. La découverte de ces deux sites rend la pratique du Grand Tour d'autant plus incontournable pour les jeunes aristocrates désireux de se confronter à l'art antique, et faisant de la région de Naples, une étape importante dans cette pérégrination savante et artistique.
Les ruines ont cependant inspiré les artistes bien avant ces découvertes archéologiques majeures. C'est le cas notamment des peintres de bamboche, ou Bamboccianti, qui exploitent le thème de la vie quotidienne en représentant des bergers faisant paître des troupeaux parmi les vestiges antiques.
La sélection de tableaux anciens qui sera présentée en vente chez Ulysse & Victor à Drouot le 11 février 2025 illustre ces différents regards portés sur l’antique. Le motif des bergers et des troupeaux bovins, cher aux artistes septentrionaux, est manifeste sur un panneau attribué à un artiste de l'entourage de Jacob Philipp Hackert, dit Hackert d’Italie (lot 5). Les robes des bovins, qui font écho à la lumière dorée, de même qu'aux tons bruns du paysage et notamment des ruines dans la partie gauche du tableau, confèrent à l'ensemble une harmonie chromatique particulièrement agréable.

Lot 5 : Entourage de Jacob Philipp HACKERT, dit HACKERT D’ITALIE (Prenzlau 1737 - 1807 San Piero di Careggi)
Pâtres et troupeaux paissant au bord d’un fleuve, dans la campagne italienne
Tirant toujours profit de la lumière dorée des paysages italiens, le Paysage de ruines avec paysans dansant, au soleil couchant, entourage de Joseph Mallord William Turner (lot 3), offre, avec une touche moins contrainte, une scène populaire côtoyant des vestiges antiques.
La vue de Paestum, que l'on doit à un peintre de l'entourage d'Anton Sminck Pitloo (lot 6), procède d'un intérêt presque archéologique. Car si des badauds occupent le premier plan, ces derniers sont presque anecdotique tant la composition dépend de la représentation des deux temples d'Héra. Paestum était alors une destination privilégiée à l'occasion du Grand Tour, notamment pour les deux temples grecs, représentés par l'artiste, plus accessibles que ceux situés en Grèce sous domination ottomane.
Lot 6 : Entourage de Anton Sminck PITLOO (Arnhem 1790-1837 Naples)
Le Temple de Paestum, en Campanie, au soleil couchant
Quant à la gouache sur papier représentant le pavillon de Madame Guimard, attribué à Charles- Louis Clérisseau (lot 1), celle-ci témoigne d'une réflexion sur les ruines et l'éphémère, proche de ce que propose Hubert Robert. Le pavillon construit par Claude-Nicolas Ledoux, rue de la Chaussée d’Antin, est donné à voir à travers une arche antique, contre laquelle repose un fragment. Le troupeau au premier plan évoque directement les paysages italiens vus par les Bamboccianti. Le pavillon néoclassique est ainsi érigé au même rang qu'une ruine antique. Celui-ci est d'ailleurs détruit sous le Second Empire lors des aménagements entrepris par le baron Haussmann. La réflexion sur l'éphémère prend ici tout son sens et devient un témoignage précieux sur ce patrimoine disparu.
Perceval Rousseau
Lot 1 : Attribué à Charles-Louis CLÉRISSEAU (Paris 1721 - 1820 Auteuil)
Bergers et troupeaux paissant à une fontaine avec, dans le lointain, le pavillon de Madame Guimard,
construit par Claude-Nicolas Ledoux, rue de la Chaussée d’Antin.